Une plaie de ciel

 

La guerre se rapprochait de nouveau, l’été repliait son manteau fleuri de sève. L’automne déployait son jupon flamboyant sur le massif en deuil, désolé, larmoyant, dans le ballet d’un soir où la mort dans un ultime et grand sursaut plantait son glaive impitoyable.

C’était la fin d’un temps, une vie qui s’achève, et dans la tombe ouverte à l’automne assaillant, des feuilles défuntes, réunies, sommeillant, gémissaient en silence en plainte sourde et brève. Dans le crépuscule souverain, aux confins de la nuit, une lune voilée offerte aux accents de tristesse entamait un refrain de profonde détresse…

L’été était parti, avec lui, l’amour, la paix, s’étaient enfuis, et dans les cœurs rompus aux refrains d’un vain espoir avortaient les rêves ô combien légitimes, dans le cruel et glacial écho d’une montagne proche, traîtresse, résignée de belle indifférence…

Le ciel s’était tout à coup incendié d’un rouge flamboyant. Sa plaie s’était ensuite agrandie vers l’horizon de l’infini. Ouverte, la nuit se défaisait de son sang qui ruisselait, dévalait sur le jupon déployé de la colline ensommeillée.

Une bruine diffusait des gouttes ensanglantées sur le mont de la peine dans le village du souvenir où les âmes, ensemble, sur le seuil du souffrir, luttaient pour évincer de leur cœur les armes pointées sur le mont de l’horreur, leur imposant l’infâme souvenance des outrages d’une guerre intestine.

Peu à peu, la nuit exsangue de sa plaie s’assoupit dans l’obscur déclinant, peu soucieuse de la douleur imposée aux êtres abandonnés à la blessure magnifiée. L’univers s’endormait, mais demeurait la douleur, comme une vie qui se meurt à petit feu, comme s’étiolent les roses de la vie, tout comme les cœurs orphelins d’une romance qu’un jour de lune pleine on promit à leur ignorance ingénue…

© Monique-Marie Ihry

 

Poème extrait du recueil de prose poétique Pour l’éternité, Prix Jacques Raphaël-Leygues de la Société des Poètes Français 2022, Collection Plume d’ivoire n° 39, Cap de l’Étang Éditions, 2023