bailarin IV détail (2)

Au dernier jour

 

                  I

      

Il me semble entrevoir un ange de lumière

Il s’arrête un instant, d’une voix coutumière

Me dit soudain ces mots : « Ma belle amie, le temps

Est venu. Viens à moi. Là-bas près de l’étang

Où nous fûmes heureux, il est une fontaine

Gazouillant doucement. L’entends-tu si lointaine

Fredonner notre chant ? Viens, prends cette main,

Allons nous abreuver à sa source. Demain

Il te faudra partir, oublier la musique

Cristalline de l’eau, son charme féérique

Pour rejoindre le ciel. Allons nous réchauffer

Sous le saule doré. Ensemble parapher

L’écorce de son tronc, nous allonger ensuite

Sous son ample jupon. La mort te fut prescrite

Par le grand souverain qui règne dans les cieux,

Profitons de l’instant avant que notre Dieu

Mette fin à la trêve qu’il nous a concédée.

Je vois fleurir là-bas notre arbre de Judée…

Que la nature est belle au printemps de l’amour

Que notre amour fut grand, déjà s’enfuit le jour ! »

 

                    II

 

Je le pris par la main, l’ange venu du ciel

Tout me semblait étrange, en tout point irréel.

Près de l’étang lointain où chantait notre source

Sous le saule doré rejoignant la grande Ourse

Nous nous allongeâmes et, serrés tendrement,

Lovés l’un contre l’autre, nous fîmes longuement

Un songe émerveillé. À deux pas notre Lune

Veillait sur notre amour, et puis dans la nuit brune

Une dernière fois, il m’offrit un baiser

Un baiser chaste et fou, un serment apaisé

Qui nous lia enfin au-delà de la vie

Au-delà de la mort, sans autre préavis…

 

© Monique-Marie Ihry    –  10 novembre 2015 –

(toile de l’auteure intitulée ” Bailarin ”, détail, 2012, 92 x 65 cm, huile sur toile)