Dehors, la mort

Dehors, la mort

                I

Viens, mon amour !
Serre-moi fort contre ton cœur.
Dehors règne la douleur,
dehors des hommes, des femmes
se font exploser et meurent
en massacrant des centaines d’innocents.
Il souffle un vent de terreur
sur notre Terre endolorie.
L’hiver, entre deux attentats
contre la beauté, la liberté, l’amour,
sournoisement murmure notre trépas.
Serre-moi fort
contre toi, serre-moi encore
avant que ne résonne
soudain dans la nuit
notre glas !

              II

La mort plante son glaive
sur l’innocence des cœurs offerts.
L’injustice frappe.
Satan ouvre sa trappe
aux soldats du mal
qui surgissent de toutes parts
et se multiplient.
La peur supplante l’émoi
et l’espoir, fébrile s’étiole
comme une frêle fleur
tremblante, agonisante
aux portes d’un hiver éternel…

                III

Un feu brûle dans la cheminée,
tente de réchauffer peu à peu
les espoirs malmenés.
La flamme vacille, hésite, se reprend,
persiste et communique enfin
sa douce chaleur à l’être endolori.

On se sent pourtant si fragile,
l’âme gracile aspire à la sérénité.
Comment ne pas penser
à tous ces enfants morts
au printemps de leur vie,
frappés par la faux sans appel
du fanatisme !
Comment ne pas oublier
que le mal est là, à deux pas,
prêt à germer dans les sillons
de l’innocence bafouée ?

                IV

Le mal se nourrit de la pureté et du beau,
il en devient robuste et vigoureux.
Il opère inlassablement, sournoisement,
aux côtés de son maître Satan
et dévore la beauté, la pureté, l’innocence.
Tel un ogre assoiffé de sang
Le mal égorge sans compter
les cœurs immolés dans leur fragilité.
Sur l’autel de la cruauté,
il embrasse à pleine bouche la terreur.
Pervers, il enlace nos espoirs vacillants,
cultive habilement nos peurs,
embrase le bûché érigé de notre liberté,
brûle dans un autodafé manifeste
notre culture, notre âme,
et la vie, entre les flammes
trépasse !

                 V

Dans l’âtre s’épuisent une à une
nos dernières bûches.
Les flammes au souffle lent s’amenuisent
et les braises, faibles étincelles de vie,
s’éteignent sans un murmure,
silencieusement.
Plus un crépitement,
rien que les battements sourds
d’un cœur semblant
s’éteindre à son tour,
longuement.

Dehors, un attentat.
Dehors, frappe la mort.
Dehors, les cloches sonnent
et résonne notre glas.
C’est l’hiver qui s’installe,
sur un piédestal,
impose sa rigueur,
ses frimas.
C’est la mort qui accourt
et voilà déjà
que s’échappe la beauté
du monde !

                 VI

Mon bien-aimé,
viens, serre-moi fort
mon ami, mon amant,
serre-moi fort contre ton cœur.
Il se fait tard, il se fait froid,
je sens le mal m’étreindre
et poindre brusquement la nuit
sur cette terre meurtrie.

Existe-t-il un autre monde
au-delà du crépuscule ?
Peut-être nous retrouverons-nous
dans l’éternel de la nuit…

Berce-moi doucement au creux de tes bras.
Je veux m’assoupir sur ton sein,
voguer sur les flots d’un rêve infini
où nous serions toujours ensemble
dans la mort réunis,
comme ce soir,
lovés dans le charme de l’instant,
à jamais réunis dans l’harmonie
d’une plénitude absolue…

Serre-moi fort une dernière fois
Mon aimé !
Ce soir, au nid douillet
du velours de tes bras,
emporte-moi !

© Monique-Marie Ihry – 20 novembre 2015 –

Extrait du recueil de poésie de l’auteure intitulé Un monde sans sépulture, Collection Plume d’ivoire n°3, Cap de l’Étang Éditions, 2017

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