Délices 5

Vers d’autres cieux

L’aurore avait semé des perles de rosée

sur la plaine endormie abandonnée au temps

d’un jour endolori que le jeune printemps

tardait à honorer de sa beauté rosée.

Les billes scintillaient sur l’herbe apposée.

Une brume éthérée au loin près de l’étang,

et dans le souvenir, les parfums entêtants

de nos éveils gourmands, de cette nuit osée…

Peu à peu, les iris sur le bord du chemin,

dans leur corolle en fête à l’odorant carmin  

vinrent fleurir les prés, consacrer chaque chose.

Mais tu n’étais plus là, voguant vers d’autres cieux

où la vie n’a plus cours, quand la mort pour les dieux

est le plus bel écrin où le regret se pause…

La saison automnale exhibait sa douleur.

Les arbres de l’étang libérèrent leurs feuilles,

les confiant aux souffles des vents forts qui endeuillent.

La plaine et ses moutons se noyaient dans leur pleur.

La montagne efflanquée arborait sa pâleur.

Seuls des troncs clairsemés que les autans défeuillent

semblaient agenouillés tels les J se recueillent,

dominant les grands prés dépourvus de chaleur.

Je me mis en chemin vers ta couche endormie

dont le marbre gelé mendiait une accalmie,

dans le froid de la nuit où se flétrit le cœur…

Sur la tombe chérie où ton âme repose,

je posai un baiser, une prière, une rose

que les chênes veillant sanctifièrent en chœur…  

© Monique-Marie IHRY  26 février 2021


(illustration de l’auteure faisant partie du recueil de poésie “Délices” (2018)