« Les rochers de l’aube « , critique littéraire

Mon poème « Les rochers de l’aube » commenté par le regretté Pr et critique littéraire Mohamed Salah Ben Amor

Les rochers de l’aube

Sur les trottoirs frileux les feuilles se dérobent
Et partent rejoindre les caniveaux de l’aube.
La pluie va nus pieds sur les pavés de la rue
Rejoindre les larmes dont le flux s’est accru.
Le vent sur sa jument ivre fend la pénombre
Dénudant la robe des papillons de l’ombre,
Le cœur aux corolles flétries par la mémoire
S’effeuille peu à peu sur la page du soir.
Où sont ces blonds pays où brille notre amour,
Où court le fleuve azur des rêves de toujours
Lorsqu’ils ne s’échouent pas sur les rochers de l’aube ?
Où sont ces prés fleuris où les lys de leur robe
Venaient parer d’oubli le jour qui se dérobe
À force de beauté, sur les flots de l’amour ?

© Monique-Marie Ihry – 17 février 2012 –


« Sur le plan locutoire (ce qui a été dit), ce poème est composé de deux parties égales et distinctes : la première (les deux premières strophes) est constative, du fait qu’elle décrit formellement deux paysages visibles. La seconde (le reste du texte) est performative, car elle a été conçue sous forme d’une série d’interrogations et n’est donc, de ce fait, ni vraie ni fausse. Néanmoins, sur le plan illocutoire, c’est-à-dire du vouloir dire, tout le poème a été élaboré dans l’intention d’exprimer l’état d’âme mélancolique de la locutrice (celle qui parle et qui ne s’identifie pas nécessairement à l’auteure). Cependant, si le premier niveau ne pose aucun problème puisqu’il s’inscrit totalement dans la tendance romantico-symbolique de la poète, surtout de par l’usage massif du lexique de la nature (aube – feuilles – pluie – vent – pénombre – papillon – ombre – corolle – fleuve – rocher – pré – lys) et l’accord entre le moi et chaque aspect décrit de cette nature (la tristesse dans les deux premières strophes/le bonheur souhaité dans les deux suivantes), le niveau illocutoire, en revanche, paraît être en contraste avec les derniers poèmes de l’auteure dans lesquels elle dépeint des ambiances de bien-être et d’optimisme. Que s’est-il passé ? Rien d’anormal ! En effet et psychologiquement parlant, la mélancolie est de deux sortes : l’une est persistante et innée (ce qui n’est pas le cas ici) et l’autre est née de l’humeur du moment et passagère.
Sur le plan stylistique, enfin, le poème a été habilement construit en deux phases égales et opposées (le réel/le souhaité – le constatif/le performatif – le locutoire/l’illocutoire) et regorge d’images agréables dont certaines sont bouleversantes (La pluie va nus pieds sur les pavés de la rue / Rejoindre les larmes dont le flux s’est accru / Le vent sur sa jument ivre fend la pénombre / Dénudant la robe des papillons de l’ombre). Notons par ailleurs la régularité des rimes et des sonorités. »

Mohamed Salah Ben Amor

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