La belle assoupie

 

Sur un vieux fauteuil, dans un coin du salon,

dormait une guitare.

Depuis combien de temps

n’avait-elle pas été caressée

d’une main douce et impatiente

sachant lui soutirer

des notes enflammées et soupirantes ?

Depuis combien de temps dormait-elle

abandonnée sur ce fauteuil élimé

exposée aux poussières du temps

et de l’oubli des jours heureux ?

Ainsi rêvait la belle endormie,

dans sa robe de chêne et d’harmonie,

la hampe nonchalamment inclinée

sur le dossier d’un velours de Gènes suranné

dans le souvenir des jours à deux

où, doucement, l’on caressait encore

de notes ses cordes en demande,

obtenant d’elle soupirs à foison

et tendres pâmoisons.

Puis, dans un crescendo de soupirs éveillés

et de plaintes renaissantes décuplées,

elle se laissait aller au flamenco

de doigts agiles et savants

sachant triompher de sa peine

d’être ainsi depuis trop longtemps

reléguée à l’oubli, délaissée,

comme un vieux meuble poussiéreux

dans le coin d’un salon abandonné…

 

@ Monique-Marie Ihry – 6 février 2022 ‒