Lamento

L’archet du temps faiblit. L’on ne perçoit bientôt
dans le soir vieillissant qu’une plainte muette.
Les chênes aussi ont leur douleur secrète
qu’ils pleurent d’une feuille, au fil d’un lamento.
L’automne prend son temps, impose sa froidure,
à grand renfort de vents fait trembler les troncs morts
et les longs arbres blonds au front couronné d’or
s’inclinent échevelés sans autre procédure,
et l’on ne voit bientôt dans l’horizon obscur
que des nuages fous chevauchant la vallée
poursuivis par les vents dans la nuit emballée,
galopant, pourchassés par des souffles impurs.

La nature se meurt sous l’assaut de l’automne.
Un grand chêne gémit sur le bord du canal.
Blotti à ses côtés un autre, colossal,
s’incline d’un silence et puis se pelotonne.
Sous peu l’hiver viendra imposer sa vigueur
et l’on ne verra plus des arbres que les branches,
grandes, squelettiques comme de vieilles hanches
prêtes à se fracasser sous l’auguste rigueur.

Il n’est plus de plainte ni de douleur secrète,
la nature n’est plus qu’une tombe gisant
sur un sol épuisé. Il n’est plus de présent,
il n’y a que la mort qu’une vielle interprète…

© Monique-Marie Ihry – 10 février 2020 –

(Illustration de l’auteure, Encre de Chine « Encre 61 » )

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