couv mythomania

Intelligences utiles, s’il en est   

[…] 

 

Le mensonge est un art intelligent. Il convient d’être très fort pour rester menteur sous peine d’être démasqué un beau jour. Il est des menteurs impénitents qui mentent comme ils respirent, sans réfléchir. C’est bien à leur problème. Mentir pour eux est un besoin vital. Ils respirent leur mensonge, le mensonge les inspire, ils s’en nourrissent.  Mais au fait, pourquoi mentent-ils ? C’est souvent névrotique.

Cependant, il faut avouer que le mari trompeur ou l’amant volage ont besoin de cette arme vile pour tourner les pages de leur agenda compliqué. Il est vrai que mener plusieurs vies parallèles ne s’avère pas en outre très aisé.  Mais si l’on vous dit au cours d’une même longue phrase de justification attendue : 

–      Non, je ne la connais pas cette femmeet : non je ne lui parle plus du tout  Puis encore plus loin au cours de la même conversation : 

–      Cette sirène baise bien[…]  Je n’ai jamais rien fait avec elle 

Pas besoin dans ce cas de se poser davantage de questions…   Pour être un menteur plausible il faut savoir faire fonctionner ses neurones afin de ne pas se contredire aussi ouvertement. Mais peut-être qu’à force d’aller de droite et de gauche, la fatigue et l’âge aidant, les connexions cérébrales se voient au final quelque peu handicapées. C’est de bonne guerre après tout ! (sourire)  Il semblerait que Casanova ou Lord Byron aient été plus habiles en leur temps. Leur carrière volage s’est même vue décorée d’une postérité qui perdure encore…

Vous m’aurez comprise, on ne parle pas ici d’intelligence du cœur. On évoque une intelligence adroite, celle qui mène dans les bas fonds d’un esprit pervers.  Une fois démasqué, l’apprenti menteur doit donc impérativement suivre quelques règles. Il est grand temps qu’il se reprenne. Conseillons-lui par exemple la prise à la hâte de quelques notes sur un carnet qui pourront l’aider dans ses mensonges : 

–      J’ai dit à Anna que j’étais au cinéma ce soir-là et que j’ai vu tel film 

–      Pour Lisa : je lui ai affirmé que cette sirène, je ne l’ai JAMAIS rencontrée et je ne lui ai JAMAIS écrit non plus. Je ne la tague JAMAIS dans les articles que je publie 

Le petit carnet assorti de son crayon (que l’on ne doit pas égarer – sourire encore -) seraient donc les alliés essentiels de mensonges en kyrielles que l’on commet lorsque l’on converse avec une amante éloignée avec qui on entreprendrait une relation épistolaire entre deux rencontres. On peut le consulter à loisir. L’idéal serait finalement un carnet répertoire qui permettrait d’aller très rapidement trouver les indices propices à une argumentation intelligente.  Mais le problème survient toutefois lorsque l’on est au téléphone et que l’on ne sait plus où l’on a mis ce petit élément salvateur que l’on aurait pu consulter a son gré dans une autre circonstance… 

Que dire alors d’une conversation de visu avec une maîtresse en cours que l’on rencontre par hasard à la sortie d’un hôtel et que l’on n’a manifestement pas l’inélégante opportunité de sortir ses notes !  Après réflexion, je n’ai finalement pas de solution magique pouvant aider le menteur d’intelligence moyenne ou bien encore celui chez qui Alzheimer a commencé à faire quelques dégâts irréparables. On pourrait cependant lui conseiller de remplacer ce carnet par un agenda électronique (pas le top lorsqu’on téléphone avec son portable…). Verser une bonne dose de bromure dans le jus de fruit du petit déjeuner afin de calmer les ardeurs « altruistes » de ce menteur professionnel serait peut-être indiqué si tant est que cet individu partage encore notre vie… 

Existe-t-il un remède en face de tous ces mensonges éhontés ? Il n’y en a guère. Le plus important serait en revanche d’essayer de repérer ce genre d’individus le plus rapidement possible et de s’en défaire aussi vite. Pas toujours évident !  Ces sites que l’on dits « sociaux » sont le reflet de notre société faite de bons  et de masques. Le « bon » se livre tel quel en toute spontanéité, et le « masque » arbore en permanence un esprit facétieux. Le  contact  dit « masqué » s’élabore très souvent une personnalité brillante, s’invente le personnage qu’il aimerait être. Il se veut artiste talentueux à l’âme généreuse par exemple, ou se vente de participer activement à moult causes humanitaires. Il flaire, repère les failles des proies possibles attirées par le brio et l’humanisme qu’il arbore à bout de bras et s’y engouffre petit à petit, insidieusement…  Dans cette jungle Internet, le faible est celui qui pensait  que tout le monde se montrait à son image sincère en toutes circonstances. Les réveils sont en l’occurrence toujours douloureux… 

Je serais donc tentée d’affirmer qu’il est préférable de tomber sur le menteur peu intelligent que sur un artiste du genre doté d’un Q. I. hors dimensionné. Si tel a été votre cas, il se peut que vous ayez vécu une expérience qui vous ait aidée à mûrir et à vous affranchir d’un monde vernissé et tentateur. Mais attention : gare aux rechutes possibles ! C’est comme un régime que l’on s’est promis d’entreprendre, il se doit d’être assorti de règles strictes et indéfectibles, car on aurait tendance à replonger facilement dans la crédulité. 

Autre précision : cette réflexion spontanée a été écrite au genre masculin. On pourrait tout aussi bien la transposer au féminin. Cet exercice de style salutaire viserait par la même occasion à se préserver de « pseudo amies » tout aussi flatteuses et habiles à vous tromper et qui auraient fait du masque leur panoplie mensongère et assassine. Quelque ex de votre ex par exemple…  À vos marques et bas les masques. Il est toujours temps !  […] 

   

© Monique-Marie Ihry 

Extrait du roman Mythomania sur le Net, en vente, entre autres, sur amazon.fr : 

https://www.amazon.fr/Mythomania-sur-Net-Monique-Marie-Ihry-ebook/dp/B00I4QCRWQ/ref=asap_bc?ie=UTF8